Dans la pièce Si j’ai les yeux rouges, c’est parce que j’ai traversé l'océan, j’explore la fragilité, je la travaille comme un matériel artistique. C’est une ode à la force créatrice de la fragilité et c’est cette émotion que je triture, sur un mode immersif et poétique. Dans cette pièce avec la complicité de la danseuse Camilla Cason et la saxophoniste Violaine Gestalder, à l'aide de capteurs, guitare, fils, papier et pédales d’effet, nous voyageons entre les limites de la musique, de l’art plastique, de la danse et de la performance.
L’indisciplinarité incarne non seulement le paradoxe de la fragilité, mais me fournit aussi un canevas sur lequel broder des liens entre travail sonore, visuel et compositionnel. Je tisse une toile autour d’une guitare électrique préparée et je me mets à l’écoute des sons produits lorsque je tire, pince et frotte les fils qui contraignent l’instrument. La spatialisation du son, engendrée par les effets sonores et les lignes de fuite tracées par l’enchevêtrement des cordes dans l’espace, plonge le spectateur dans un univers où les liens entre son individualité et l’ouverture aux autres se confondent. Cette écoute guide la chorégraphie qui prend forme lorsque la danseuse Camilla Cason et la saxophoniste Violaine Gestalder entrent sur scène. Les corps des trois artistes sur scène donnent à voir et à entendre ; ils sont véhicules et instruments. Nous marchons sur des fils, avançons à tâtons, dans l'obscurité, nous nous emmêlons dans les fils, les cordes... puis nous dénouons les nœuds pour créer des liens. Les spectateurs assistent alors à une danse puissante, galvanisée par les sons que les gestes et les mouvements transforment à l’aide de capteurs. Puis vient le temps suspendu, un temps d’extrême attention, ce temps où, comme le dirait Platon, la mer lave de tous les maux, tandis que nous prêtons l'œil et l’oreille au public. A travers cette pièce, je cherche à montrer qu’on ne doit pas ignorer le son. Quand l’être humain n’écoute plus autour de lui, il accepte de diminuer l’intensité de l'acoustique de son environnement et perd ainsi une expression vibrante qui peut être ressentie par tous ses sens. Un son intense en vibrations peut faire bouger certains organes du corps humain et faire en sorte qu’on le ressente à l’intérieur de nous-mêmes. On peut alors percevoir comme une sorte de pression, qui implique un état de bien-être ou au contraire une sensation d’inconfort ; la psycho-acoustique influence le physique et spécialement le cerveau : elle amène celui-ci à ressentir, interpréter et imaginer le son. Mon travail, c’est tout à fait ça : faire que le visuel crie et que le son dépeigne des images. Stefania Becheanu, performeuse sonore Camilla Cason, danseuse Violaine Gestalder, saxophoniste Romain Muller, sound designer Production : Association Doï // Co-production : La Muse en Circuit - CNCM // Autres partenaires : Arsenal - Cité Musicale de Metz, l'Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz, Ecole supérieure d’Art de Lorraine, Hackin’toys sortir de résidence : 24 mars 2023 à la Muse en circuit |